Lorsque l’on est diagnostiquée d’un cancer, et que l’on va devoir subir des traitements pour nous soigner, on imagine immédiatement les différentes conséquences possibles : chirurgie, ablation, perte des cheveux, perte ou prise de poids, sécheresses etc… Des changements du corps temporaires ou permanents qui peuvent influer sur l’image que nous renvoie le miroir, qui peuvent aussi remettre en question ce sur quoi on avait tendance à ancrer notre féminité. Des symboles fortement enracinés, qu’on a bien envie de dépoussiérer un peu. À l’heure où la notion de féminité est de plus en plus multiforme, osons discuter de ce qu’il advient d’elle pendant le cancer.
Maladie et perte des symboles “traditionnels” de la féminité
Que l’on soit touchée par un cancer du sein ou par un autre type de cancer, la maladie laisse des traces, physiques, qui impactent bien souvent notre état émotionnel.
Pour les femmes, les traitements contre le cancer vont bien souvent toucher tout ce qui est sociétalement rapproché de la féminité : ablation d’un sein ou des deux, ablation de l’utérus, perte des cheveux, des cils et des sourcils, une peau plus abîmée, moins douce, des changements corporels rapides et déstabilisants…
Plus profondément encore, la maladie et les traitements impactent bien souvent la fertilité, momentanément ou définitivement.
Et ce sont là des changements d’autant plus difficiles à vivre qu’ils sont rapides, impossible de s’y préparer complètement ou de s’y habituer progressivement, et qu’ils arrivent dans une période où l’on peut déjà être chamboulée par l’annonce même de la maladie et du combat qui démarre.
Ces pertes de symbole forts peuvent mettre à mal la vision que l’on a de soi. Certaines patientes parlent de ne plus se reconnaître, de devoir reconstruire leur identité, voire même de ne plus se sentir “femme”.
On abordait d’ailleurs dans un autre article cette notion du rapport au corps et notamment à l’intimité pendant la maladie.
Certaines ont besoin d’exacerber leur féminité, en découvrant le plaisir et la magie du maquillage pendant cette période, en redoublant d’ingéniosité pour accessoiriser joliment leurs tenues. Tout ce qu’il faut pour se plaire davantage, et avoir l’air moins malade aux yeux de la société.
Et d’autres encore se sentent plus femme que jamais, quels que soient les artifices, comme si l’absence de ces symboles retirait tout le fard appliqué généralement sur cette notion de “féminité”, pour revenir à l’essentiel, à ce qui fait réellement la féminité.
Et si la féminité ne résidait pas dans ces symboles ?
Grâce, charme, élégance, raffinement, délicatesse, éternelle jeunesse…
Capacité à séduire, maternité, pudeur, douceur…
Seins parfaits, corps tout en courbe, taille fine, chevelure de rêve, yeux de biche, peau de pêche…
La féminité est définie généralement comme “l’ensemble des caractères morphologiques, psychologiques et comportementaux spécifiques, ou considérés comme spécifiques aux femmes.”
En réalité, cette notion semble donc entièrement régie par des caractéristiques “considérés comme” spécifiques aux femmes. Et pourtant : on connait tous des hommes avec des caractéristiques traditionnellement associés à la féminité et qui restent pour autant très “masculins” (toujours au sens traditionnel du terme), et des femmes qui ne correspondent qu’en très peu de points à ces stéréotypes de genre et qui nous paraissent pourtant très féminines.
S’ils prennent beaucoup de place sociétalement parlant, les stéréotypes de genre sont limités par ce qu’ils sont intrinsèquement : des stéréotypes.
Dépasser les injonctions sociales
C’est sans doute là que réside tout l’enjeu pour faire la paix avec soi-même et sa féminité, notamment pendant les traitements : se libérer des injonctions sociales.
Non, il n’est pas nécessaire d’avoir les cheveux longs pour se sentir femme, et ce même si on avait l’habitude de sa chevelure de sirène, même si elle faisait partie de notre identité.
Non, il n’est pas nécessaire d’avoir 2 seins tout jolis pour se sentir femme, même s’il peut être très difficile de s’en séparer, ou d’accepter leur changement.
Non, il n’est pas nécessaire de porter un jour un enfant dans son ventre pour se sentir femme, même si la perte de la féminité est une véritable épreuve pour toutes celles dont cela était le rêve.
Et même si cela peut aujourd’hui paraître évident, il n’est jamais inutile de le rappeler, tant l’on peut, en tant que femme malade, encore être conditionnée par ces habitudes sociales, et en tant que personne confrontée à une femme malade, faire encore parfois preuve d’une grande maladresse.
Faire le deuil
Bien sûr, tout cela ne se résout pas en un claquement de doigts. Il est beaucoup plus facile de reconnaître que Jane Birkin était une femme “féminine” bien qu’elle ait un physique très androgyne, que de reconnaître ses propres qualités dans le miroir.
Et encore une fois, le changement tellement brutal des traitements doit être digéré en parallèle, ce qui complique la tâche. Remettre en question des générations de stéréotypes ne se fait pas du jour au lendemain.
En revanche, la maladie est bien l’occasion de réfléchir à tout ça. De prendre le temps de réapprendre à se connaître, de réfléchir à son identité, à ce qui fait de nous qui nous sommes, en tant que femme.
C’est un travail difficile, long, parfois déstabilisant, qui s’apparente presque à faire un deuil : pas celui de sa féminité, mais celui de ce que l’on attachait à ce terme. C’est aussi un exercice terriblement gratifiant lorsque l’on y parvient, car il permet de nous développer personnellement, de nous épanouir, pendant la maladie, mais aussi pour tout le reste de sa vie.
Redéfinir SA féminité, se l’approprier
Tout au long de ce parcours, on se rend compte qu’il existe en fait mille réalités derrière le terme de féminité. Il y a autant de manières d’être féminine que de femmes. Et dans ce travail personnel, accéléré par le cancer et les questions que l’on est nécessairement amenée à se poser, tout l’enjeu est de redécouvrir sa féminité, celle qui n’appartient qu’à nous, et ne définit que nous.
Une réflexion personnelle donc, qui peut être nourrie par le rapport au corps, par l’intimité, par le rapport aux autres, et bien évidemment aussi par une thérapie. Osez vous questionner, osez passer du temps à remettre en question vos idées et vos habitudes de pensée, osez aussi mettre le sujet sur la table et en parler.
En en discutant toutes (et tous) ensemble, laissons les femmes dans toutes leurs nuances et individualité définir leur féminité, plutôt que de laisser la « féminité » entraver les femmes et la perception qu’elles ont d’elles-mêmes.
Nous espérons que ces quelques idées vous permettront d’affronter les changements avec davantage de sérénité, et de prendre le temps de prendre soin de votre “féminité” ! N’hésitez pas à nous partager votre expérience et vos conseils en commentaire.
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