Cancer et bien-être intime : interview d’Aliette, gynécologue

6 minutes de lecture

“Ce n’est pas rare et vous n’êtes pas seule”. Aliette Dezellus, gynécologue médicale à l’Institut de cancérologie de l’Ouest à Nantes a accepté de répondre à toutes nos questions sur les troubles intimes et sexuels liés au traitement anticancéreux. Pleine de sincérité et de bienveillance, Aliette aborde les effets secondaires, explique l’importance d’en parler et nous partage quelques conseils !

Quelles patientes prenez-vous en charge et quel est votre rôle auprès d’elles ?

On prend en charge de nombreuses patientes qui ont le cancer du sein, parce qu’en proportion, il y en a beaucoup malheureusement.

On voit aussi des patients qui ont des cancers gynécologiques, de l’endomètre, des ovaires, de l’utérus et elles ont aussi souvent des problématiques liées aux traitements, à la radiothérapie, à la chimiothérapie.

Pouvez-vous nous expliquer les effets secondaires des différents traitements anticancéreux sur la sphère sexuelle des femmes ?

Les traitements du cancer ont une répercussion sur la sphère gynécologique. Dès les premières chimiothérapies, on peut parfois ressentir des inconforts, des gènes ou de la sécheresse vaginale. Et effectivement, nous gynécologues, entendons beaucoup parler de la baisse de la lubrification, de la sécheresse vaginale et des douleurs lors de la pénétration.

Les traitements peuvent aussi avoir une répercussion sur la sexualité, souvent traduite par la baisse de la libido.

Dans les cancers gynécologiques, les radiothérapies pelviennes peuvent également abîmer la muqueuse vaginale et donner des séquelles sur le plus long terme.

Et essentiellement dans les cancers hormonodépendants (qui vont nécessiter ensuite une hormonothérapie par le biais des modifications hormonales par la diminution des oestrogènes) les traitements vont agir sur la qualité de la muqueuse vaginale et sur la qualité de vie intime des femmes.

Quels signes « intimes » doivent nous amener à consulter un professionnel de santé ?

Il peut y avoir plein de manifestations différentes. Ça peut être un inconfort au quotidien ou un inconfort lors des rapports sexuels avec pénétration vaginale. C’est souvent comme ça qu’on s’aperçoit au début qu’on a une sécheresse vaginale.

Et quand c’est plus important, ce sont des symptômes qui peuvent retentir sur la vie quotidienne, avec des patients qui vont être gênés même à la marche, avec des saignements, ou bien pour s’habiller, voire même pour s’asseoir. Et il peut y avoir des répercussions sur le plan urinaire aussi, dont on ne parle pas souvent.

Le lien entre la muqueuse vaginale et l’inconfort urinaire est important. On peut avoir des fuites urinaires, des envies pressantes d’uriner ou des brûlures urinaires. Et ça, on ne sait pas toujours que ça peut être en lien avec des modifications au niveau vulvaire et vaginal.

Quelles sont les solutions ou les aides, en prévention et en curatif qu’il existe pour ces troubles intimes et sexuels ?

La muqueuse vaginale, c’est comme la peau du visage. Lorsque vous avez la peau sèche, vous mettez de la crème hydratante et si la peau est très sèche, vous mettez de la crème hydratante tous les jours, voire deux fois par jour. Au niveau vaginal, c’est pareil.

Dans un premier temps, si vous ressentez de la gêne ou des tiraillements, vous pouvez utiliser de la crème hydratante, des gels ou des ovules. Aujourd’hui, il y a quand même beaucoup de produits qui sont proposés en parapharmacie ou en pharmacie que vous pouvez utiliser seule et qui sont la plupart du temps sans hormones, à base d’acide hyaluronique ou de vitamines.

En deuxième intention, si ça ne fonctionne pas, on en parle à son médecin, qui peut prescrire quelque chose d’un peu plus efficace.

Et en troisième intention, il existe d’autres techniques comme du laser vaginal, de la photobiomodulation ou des injections d’acide hyaluronique.

Avez-vous des conseils en complément ?

Je crois qu’il faut d’abord savoir écouter son corps, connaître l’existence des symptômes, sans s’inquiéter dès qu’ils apparaissent. Et surtout, savoir utiliser les bons produits et adopter les bons réflexes.

Il y a des conseils très “simples” à appliquer comme :

  • Ne pas fumer, (ce qui aide beaucoup)
  • Boire beaucoup d’eau,
  • Ne pas utiliser de savon trop acide ou trop agressif pour la muqueuse vulvaire et vaginale,
  • Ne surtout pas faire de douche vaginale, (et laisser sa muqueuse tranquille, car la flore vaginale est souvent mise à mal par les traitements, notamment la chimiothérapie)
  • Utiliser plutôt de l’eau et des produits vraiment très doux, plutôt à base d’huile relipidante, qui vont avoir aussi cet aspect un peu hydratant,
  • Faire soit même des exercices de serrer, relâcher, ressentir la musculature au niveau du périnée.

Ce qui peut aider également, c’est la rééducation du périnée avec un kiné ou une sage femme. Notamment pour les femmes qui ont eu un cancer gynécologique et qui ont eu des traitements lourds au niveau de la sphère pelvienne, comme la radiothérapie et la curiethérapie. Ils peuvent réaliser des massages au niveau du vagin pour maintenir la qualité vaginale souple

Et de manière générale, tout ce qui va pouvoir vous aider à reprendre une activité sexuelle tranquillement, sans douleur, sans stress : l’utilisation de dilatateurs ou des sextoys par exemple. Il ne faut pas hésiter à utiliser des lubrifiants au début, à base d’eau, des silicones ou des huiles végétales aussi.

Les tissus sont “vivants” à chaque excitation sexuelle, donc lorsqu’on continue à avoir une activité sexuelle, il y a une vascularisation au niveau vaginal qui maintient les tissus en forme. Mais, pour plein de raisons, notamment par rapport à la fatigue, on n’a pas envie d’avoir d’activité sexuelle pendant les traitements.

A qui s’adresser ?

Pour parler de ses symptômes, le mieux est de s’adresser à un gynécologue. Mais malheureusement, on n’a pas toujours un gynécologue attitré, donc ce n’est pas toujours facile d’avoir des consultations.

Vous pouvez donc tout à fait en parler à votre oncologue, qui lui aussi connaît les effets secondaires des traitements et possède souvent un réseau de personnes à qui il est possible de s’adresser. Et vous pouvez même en parler à votre médecin traitant.

Il y aussi des sexologues sont disponibles, qu’ils soient oncosexologues ou sexologues en libéral. Le sexologue, ça peut être un médecin, une infirmière ou un psychologue qui sont formés aux troubles de la sexualité et qui peuvent vous aider à retrouver une vie sexuelle plus satisfaisante.

N’hésitez pas à solliciter sur les plateaux des soins de support, il y a tout un réseau de professionnels de santé qui sont disponibles.

En quoi cette prise en charge est importante ? Pourquoi ne pas négliger les troubles au niveau intimes et/ou sexuels ?

C’est important d’être informé sur le sujet, de savoir que cela peut arriver et surtout savoir qu’il existe des solutions. L’idée ce n’est pas juste de dire qu’il y a des effets secondaires, mais de donner des pistes, des solutions et de pouvoir les prévenir.

Et on sait que plus on prend en compte tôt ces symptômes, plus les traitements seront efficaces. On est parfois un peu navré de voir des patientes arriver tard dans leur suivi, deux ans après l’installation des premiers symptômes, car ces patientes-là, nous aurions pu les aider si nous les avions vues plus tôt.

Qu’aimeriez-vous dire aux patientes qui pourraient se retrouver dans vos propos pour les aider et/ou les amener à consulter ?

Il est possible d’avoir des troubles dans sa vie intime, après ou même pendant les traitements d’un cancer, ce n’est pas rare et vous n’êtes pas seule. Il est important de lever ces tabous, d’autant qu’il existe des solutions pour améliorer votre confort, pour vous aider à avoir plus confiance en vous et à reprendre une vie sexuelle satisfaisante.

 

Un grand merci à Aliette de nous avoir donné de son temps et de nous avoir partagé tous ces précieux conseils et informations !

Partagez cet article

Laisser un commentaire

* champs obligatoires
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Un petit cookie ?

On vous présente nos cookies qui aimeraient vous accompagner pendant votre visite, vous êtes d’accord ?

En savoir plus

Cookies analytiques

Ils nous permettent de mesurer notre audience et améliorer notre site. Vous pouvez sélectionner ceux que vous autorisez à vous accompagner.

Cookies marketing

Ils nous permettent d'entretenir la relation avec vous et de vous adresser de temps à autre du contenu qualitatif ainsi que de la publicité. Vous pouvez sélectionner ceux que vous autorisez à vous accompagner.

Cookies essentiels

Ils sont nécessaires au fonctionnement du site pour votre expérience d'achat et votre compte client. Vous ne pouvez pas les refuser.

Votre panier

Plus que 30€ pour vos échantillons offerts

  • 30€ 2 échantillons offerts
  • 59€ Livraison offerte
  • 100€ 1 Vernis Cassis offert

Votre panier est vide.