Nous avons rencontré Cindy Bouché, pédicure-podologue formée à la prise en charge des atteintes liées aux traitements contre le cancer. Elle nous a raconté son métier, fait part de son expérience, et livré tous ses précieux conseils pour prendre bien soin de ses pieds pendant les chimiothérapies et thérapies ciblés. On vous laisse les découvrir.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Cindy Bouché, je suis pédicure-podologue depuis 23 ans. J’exerce en libéral dans le sud-ouest et j’ai également une activité de formatrice en formation initiale à l’école d’Assas dans le XVe, une école de pédicurie-podologie. J’ai choisi ce métier car il permet de soigner, soulager les patients et d’avoir des résultats quasi immédiats avec différentes techniques à utiliser pour pouvoir les prendre en charge du mieux possible.
Que fait le pédicure – podologue ?
Le pédicure podologue est un professionnel de santé paramédical qui va prendre en charge les troubles cutanés, les troubles morphostatiques et dynamiques du patient. Il prendra également en charge les troubles unguéaux – c’est à dire les troubles des ongles – du pied du patient, le tout en étudiant sa posture et les répercussions sur l’appareil locomoteur.
Quel est le rôle du pédicure-podologue dans le parcours des patients en oncologie ?
Le pédicure podologue va permettre de rappeler l’importance au patient de suivre les traitements qui ont été proposés en prévention des effets secondaires des chimiothérapies et des thérapies ciblées. Il va également avoir un rôle fondamental dans l’éducation du patient sur apprendre à dépister et distinguer les premiers signes de ces effets secondaires.
Quand demander à consulter le pédicure-podologue ?
Il peut être intéressant pour le patient d’aller visiter un pédicure-podologue avant la mise sous traitement, afin d’effectuer une surveillance des troubles qui sont déjà présents au niveau du pied du patient, tels que des hyperkératoses, une mauvaise coupe d’ongles ou autres qui peuvent justement s’aggraver ou générer des complications sous l’effet des chimiothérapies ou les thérapies ciblées. Le pédicure podologue qui est formé en oncologie va pouvoir se référer à des échelles internationales qui vont grader les effets secondaires et le degré de toxicité au niveau cutané.
Quelles sont les grandes raisons pour consulter ?
Le pédicure podologue va pouvoir prendre en charge trois grands types de pathologies sur les toxicités cutanées, le syndrome main-pied, les onycholyses et les paronychies.
Au niveau des syndromes main-pied, on va en distinguer deux, le syndrome main-pied localisé et le syndrome main-pied diffus. Le patient va présenter des inflammations très importantes et une xérose, c’est à dire une peau très sèche. Le pédicure-podologue va intervenir pour commencer à prendre en charge ces hyperkératoses afin de soulager le patient. Il pourra également lui prescrire des semelles orthopédiques pour répartir les appuis et diminuer les douleurs.
Au delà de ces solutions, notre rôle est d’éduquer nos patients à des conseils de routines quotidiennes : penser à bien appliquer des produits hydratants émollients chaque jour et éviter les bains de pieds prolongés qui pourraient avoir des effets néfastes sur ce type de syndrome.
Pour ce qui est des onycholyses, ce sont des soulèvements de l’ongle, dès sa base, avec une apparition de liquide sanguinolent. C’est évidemment très douloureux et ça a un réel impact sur les conditions de vie du patient dans son quotidien. Là encore, le pédicure podologue pourra conseiller aux patients des soins minutieux, réguliers et adaptés au cas particulier.
Dans le cas des onycholyses, il est important d’apprendre à se couper les ongles sans créer de plaies, sans créer d’effractions cutanées, et d’appliquer une hydratation importante au niveau de l’ongle, au niveau des cuticules avec des produits spécifiques. L’application de vernis protecteur peut également être recommandée.
Les paronychies, quant à elle, sont des atteintes qui se situent au niveau du pourtour de l’ongle. En fait, l’ongle va être fragilisé par le traitement et va créer des micros-effractions cutanées au niveau des bourrelets de l’ongle, le bourrelet pouvant aller jusqu’alors recouvrir l’intégralité de la tablette unguéale.
Pourquoi est-ce primordial de ne pas négliger des troubles des pieds ?
Les troubles des pieds, d’autant plus pendant les traitements, ne sont pas à considérer comme quelque chose de futile ou un petit bobo. Au contraire, il est important de consulter dès que nécessaire, et d’en parler à son équipe médicale, parce qu’en fonction de l’atteinte, on peut être amené à modifier le traitement du patient. L’oncologue peut même parfois décider de supprimer le traitement temporairement, le temps que les effets secondaires se dissipent.
On a la chance, effectivement, en France d’avoir des professionnels : les socio-esthéticiens ou esthéticiennes, qui peuvent également prendre en charge ces atteintes et sont aussi experts sur l’ensemble des toxicités cutanées, pas seulement celles au niveau du pied, comme le pédicure-podologue, mais aussi celles au niveau du corps, et qui interviennent dans le quotidien pour le bien-être du patient. Leur rôle est essentiel pour retrouver un équilibre et un état de bien-être physique comme psychologique.
Comment avoir recours au pédicure-podologue pendant ses traitements ?
Le pédicure podologue, depuis un an, dispose de moyens, et notamment d’une prise en charge par la sécurité sociale de deux séances par an pour les patients qui présentent des syndromes main-pied localisés. Le patient pourra se rendre chez le podologue, qui effectuera un soin, et pourra donner de nombreux conseils préventifs, et le patient sera intégralement remboursé par la Sécurité sociale.
Un mot pour les professionnels de santé ?
Le pédicure podologue est le seul à avoir l’expertise au niveau du pied pour la prise en charge de ce type d’atteinte. Il est donc important que le pédicure-podologue s’intègre dans une stratégie thérapeutique pour le patient, qu’il y ait un relais entre l’hôpital et la ville. Pour le moment, très peu de podologues sont formés pour dépister les effets secondaires des thérapies, donc c’est aussi important que le patient les connaisse aussi en amont pour pouvoir échanger avec son praticien et pouvoir les prendre en charge.
Le travail doit être pluridisciplinaire, c’est un travail d’équipe. Le but du dépistage précoce permet justement d’augmenter les chances du patient face à son traitement et la réussite de son traitement, d’où l’intérêt de travailler en commun.
Et pour les pédicures-podologues ?
Il y a actuellement 14 000 podologues en France environ, et trop peu d’entre eux sont formés à l’oncologie. C’est pourtant quelque chose de très important et intéressant, parce qu’il faut quand même comprendre que les atteintes peuvent ressembler à des pathologies courantes que l’on rencontre en cabinet, et pourtant elles ne se prennent pas du tout en charge de la même manière. Un syndrome main-pied localisé va ressembler à un durillon, et pourtant l’atteinte et l’inflammation est beaucoup plus grave et ne se traitera pas de la même façon. Une onycholyse ne se traitera pas comme on traiterait un hématome ou une chute de l’ongle, comme une paronychie ne se traitera pas comme on le traite un ongle incarné. D’où l’intérêt d’aller se former pour augmenter les chances de nos patients.
Merci encore à Cindy pour ses réponses à nos questions, nous espérons que cette enquête vous aura servi de rappel pour ne pas oublier de prendre votre prochain rendez-vous chez le pédicure-podologue.