Chez MÊME, nous travaillons depuis toujours avec les socioesthéticiennes et c’est un métier qui ne cesse de nous émerveiller. Essentielle pour le bien-être des personnes fragilisées, la socioesthétique est une discipline qui regroupent des femmes et des hommes passionnés, dévoués entièrement à prendre soin de vous, et à vous permettre de retrouver un peu de confort et de bien-être pendant votre parcours de vie. Des soins qui peuvent réellement changer le quotidien, et vous permettre de faire la paix avec votre corps, malmené par les traitements. Pour apporter un peu de lumière sur cette discipline qui en mérite encore tellement plus, nous sommes allés à la rencontre d’Emmanuelle, qui nous a partagé son expérience en tant que socio-esthéticienne.
Pourriez-vous vous présenter et nous dire ce qui vous a mené à la socio-esthétique ?
Bonjour, je m’appelle Emmanuelle Bon, je suis socio-esthéticienne au centre Henri Becquerel dans l’équipe des soins de support. Je suis socio-esthéticienne depuis 2010. Avant, j’ai été éducatrice spécialisée pendant vingt-cinq ans à peu près. Et dans les deux derniers établissements où j’ai travaillé, j’avais rencontré une socio esthéticienne et ça a été un petit déclic.
Dans les deux derniers établissements où j’ai travaillé, j’ai travaillé avec des personnes sourdes et muettes et ensuite avec des personnes dont la vie avait basculé suite à un trauma crânien ou un AVC. C’est à partir de là que j’ai voulu travailler sur l’image de soi en tant qu’éducatrice spécialisée dans un premier temps puis en tant que socio esthéticienne après une formation spécifique.
Pour moi, c’est la rencontre avec un patient qui a tout précipité. C’était un monsieur qui avait eu une histoire de vie et un parcours professionnel dans les casques bleus, donc quelqu’un de très viril, très macho et il avait eu une greffe au niveau de la joue et quand il passait devant le salon esthétique il nous disait toujours « mais ça c’est pour les femmes c’est pas pour moi ».
Et un jour je l’ai un petit peu titillé en lui demandant s’il ne voulait pas que je lui épile cette zone qui était greffée. Cela a pris des mois pour le convaincre mais j’ai fini par le faire rentrer dans le salon esthétique et là il a accepté qu’on puisse lui épiler cette zone greffée et après on a pu passer à un soin et massage des mains. J’ai d’autant plus compris la différence que le bien-être pouvait faire dans la vie de chacun.
Et puis après, j’ai quitté la région, ma région d’origine. Je suis arrivée sur la Normandie et là le hasard a fait que je ne trouvais plus du tout de poste d’éducatrice. Il se dessinait au fond de moi, une envie d’une reconversion, il fallait que ça chemine dans ma tête. Et j’ai passé très tard mon CAP d’esthétique. Ensuite, j’ai fait l’école du CODES à Tours et puis j’ai eu l’opportunité de faire mon stage libre à Becquerel où, venant du social, j’avais tout à découvrir concernant le médical et là j’ai adoré ! J’ai adoré ces rencontres avec les patient.e.s.
Qu’est ce que la socioesthétique et à qui s’adressent ces soins ?
La socioesthétique est rattachée aux soins de support. L’équipe des soins de support, c’est pour aider et accompagner les patients dans un parcours de soins qui est difficile, où il peut y avoir des hauts et des bas. Il y a des kinés, il y a une nutritionniste, il y a des diététiciens, il y a une sophrologue, il y a des socio-esthéticiennes… Il y a plusieurs professionnels et les patients peuvent venir nous voir. Nous en l’occurrence à Becquerel, on s’occupe de personnes qui sont fragilisées par l’annonce d’un cancer d’une maladie grave. Après, on peut intervenir aussi auprès de personnes carcérales, des personnes handicapées, des personnes âgées.
La socioesthétique fait dont partie de cet ensemble de soins professionnels, et comme ils s’inscrivent dans le parcours de soin des patientes, ce sont des soins qui sont gratuits. Et c’est très important pour que chaque personne fragilisée puisse en bénéficier.
Les patient.e.s viennent nous voir d’une part pour avoir des conseils par rapport aux effets secondaires de la chimio, des rayons, de la chirurgie mais aussi pour des enjeux de bien-être et d’estime de soi. Et ces deux pistes-là peuvent se croiser sans aucun problème.
Parfois elles vont arriver rien qu’avec une demande de conseil, mais quand on va leur proposer éventuellement un soin, une pose de vernis, un massage, cela va leur permettre de reposer leur corps, malmené par les traitements. Les patient.e.s ont tous besoin de se poser, mais ne s’autorisent pas forcément à le faire et nous, on peut être là pour les accompagner par rapport à ça.
Quels sont les bienfaits physique et psychologiques que peut apporter la socioesthétique ?
La socioesthétique apporte beaucoup aux patients tant sur un plan physique que psychique parce que ces personnes arrivent avec une vulnérabilité assez importante avec l’annonce du cancer et ce qui est compliqué pour eux, c’est que leur corps leur fait défaut, et que ce corps, suite au diagnostic devient un corps malade. Elles le disent parfois, elles disent : « je suis rentrée chez l’oncologue, je n’étais pas malade et une fois que le diagnostic est tombé, je ressors et je suis malade même s’il n’y a pas de symptômes. »
Et justement avec ce corps malade, qu’il faut soigner, elles découvrent grâce au travail des socio-esthéticiennes que ce corps peut encore leur apporter quelque chose de positif. Et on arrive donc à les réconcilier avec leur corps. Le corps d’avant et le corps de maintenant qui leur fait faux bond, mais avec qui il faut qu’elles cohabitent encore.
Il y a tout de même une limite que nous avons et il faut vraiment en prendre conscience, c’est que nous ne sommes pas des psychologues. Il y a aussi des psychologues et il faut savoir aussi passer le relais quand cela est nécessaire.
Quelles sont selon vous les qualités principales nécessaires au métier de socio-esthéticienne ?
Les qualités, ça va être forcément quand on travaille avec l’autre d’avoir de l’empathie, de la douceur, de la gentillesse… toutes ces caractéristiques qu’on a en soi ou pas, mais qu’il est difficile de développer si ce n’est pas naturel. On ne peut pas s’improviser. Ce n’est pas possible.
Mais par contre, il y a une qualité que j’ai apprise avec le temps et qui est fondamentale, c’est l’importance de légitimer les propos de la patiente. Alors ce n’est pas forcément de pleurer avec elle mais de légitimer, c’est-à-dire de comprendre. Et de leur dire « oui ce n’est pas facile, oui la chimio c’est pas facile, oui les rayons ça brûle, oui toutes les transformations physiques que vous avez, elles ne sont pas banales. ». Mais par contre, il y a des professionnels qui sont là, nous on est là, appuyez-vous sur nous. Et c’est important de de ne pas balayer leur ressenti.
Une rencontre avec un.e patiente qui vous a particulièrement marquée ?
Je me souviens d’une jeune patiente, vingt-et-un ans, qui avait un cancer hémato et donc au départ, elle venait dans un premier temps chercher de l’esthétique, elle était très féminine, toute mignonne. Et il y a eu la chute des cheveux alors qu’elle était hospitalisée. Les aides-soignantes peuvent raser le cuir chevelu mais elle a souhaité que ce soit la socio-esthéticienne qui le fasse. Donc ce jour-là, je l’ai fait descendre dans la cabine esthétique, je lui ai demandé si elle voulait que l’on recouvre les miroirs, elle m’a dit oui donc pas de souci, on a pris un thé on a discuté. Très gentiment, elle m’a demandé si ça m’embêtait. Et j’ai trouvé ça très délicat de la part de la patiente. Et donc ensuite je lui ai fait un massage du cuir chevelu et on a discuté. Ensuite, elle est descendue du lit, on a fini de boire notre thé toutes les deux. Donc vraiment, on a pris notre temps, c’était un moment important. Et ensuite elle m’a dit je suis prête avec vous, je veux bien qu’on enlève les serviettes et son premier geste ça a été se toucher le cuir chevelu. Elle s’est regardée et elle m’a dit « vous m’avez rendu belle ».
Voilà, c’est ça la socio-esthétique.